Après la journée de la déportation, le dernier dimanche d’avril
et avant la commémoration de l’appel du 18 juin, acte fondateur de la
Résistance Française, nous rendons hommage, aujourd’hui de façon officielle, à
tous ceux qui, par leur engagement volontaire dans la Résistance, firent le
sacrifice de leur vie et je pense à cet instant à Jean Nicoli, Fred Scamaroni,
Dominique Vincetti, Griffi, Verstrate le belge et bien d’autres, mais je pense aussi
à tous ceux qui combattirent à leurs côtés et qui sont aujourd’hui disparus, je
me souviens avec émotion de Pierre Orsoni et Jean Baptiste Fusella qui m’ont
précédé à la présidence de l’ANACR. Ils seraient heureux de savoir qu’enfin, la
Résistance est honorée pour la Nation. Mais
je n’aurai gars d’oublier tous ceux, encore présents parmi nous, qui prirent le
risque de leur vie pour libérer le pays profané par la domination nazie et pour
donner à la France, notre pays, des institutions politiques démocratiques et
solidaires qui aujourd’hui encore, constituent le socle de la République.
Le programme élaboré en pleine période d’occupation et adopté
à l’unanimité par toutes les tendances de la Résistance réunies dans le Conseil
National de la Résistance s’intitulait : « les Jours heureux ! »
Quelle heureuse trouvaille et quel prodigieux symbole !.
Ils pensaient, les Résistants, traqués, arrêtés, torturés et fusillés, que le
bonheur viendrait sûrement après la peine.
C’est dans les conditions difficiles que le Conseil National
de la Résistance, voulu par le Général De Gaulle et mis en œuvre par son envoyé
spécial le Préfet Jean Moulin à qui nous devons un hommage particulier, a tenu
sa réunion constitutive le 27 mai 1943. C’est cette date que l’ANACR a choisie
il y a maintenant plus de 25 ans pour réclamer, seul d’abord puis rejoint par d’autres
associations du monde combattant dont l’UFAC, une journée Nationale de la
Résistance. C’est avec un plaisir non dissimulé que pour la première fois, de
façon officielle, je prends la parole pour célébrer la Résistance et rendre
hommage aux résistants. Car pendant quatre ans, pendant des années terribles, c’est
la Résistance qui a maintenu le prestige et l’honneur de la France alors que d’autres,
tout en parlant d’honneur et en capitulant, se vautraient dans une collaboration
honteuse et dégradante. Et à l’heure des combats libérateurs, la Résistance a
pris une part honorable à la libération du pays. Ce sont la Résistance et l’insurrection
populaire qui a précédé les combats, qui ont donné au Général De Gaulle toute
la légitimité.
Lorsque, le 18 juin 1940, au micro de la BBC de Londres, le
Général De Gaulle, éphémère secrétaire d’Etat à la guerre dans le gouvernement
Paul Reynaud, lance son célèbre appel à refuser l’armistice et à organiser la
Résistance à l’occupant, il ne sera entendu par bien peu de Français. La
majorité fait confiance au Maréchal. Seules quelques maigres troupes ayant
échappé à l’encerclement et d’autres, venues de territoires extérieurs vont
former les premières forces Françaises libres.
Même si le Général De Gaulle incarne une certaine idée de la France,
sa légitimité est bien mince par rapport à un gouvernement régulièrement
investi par le Président de la République Albert Lebrun et plébiscité par la
majorité des députés. Churchill lui-même la conteste cette légitimité puisque
le 19 juin, le lendemain de l’appel, il interdit à De Gaulle l’annonce de la
formation d’un comité National qui ne sera finalement mis en place que le 24
septembre 1941.
Le chemin fut long et semé d’embuches, malgré les trahisons
et l’implacable répression, ni le pouvoir de Vichy et ses milices, ni la
machine de guerre Nazie et sa gestapo n’ont pu venir à bout de la Résistance.
Certes, tous les résistants ne furent pas des héros. C’étaient des hommes et
des femmes avec leur force mais aussi leur fragilité. Ils ont fait ce qu’ils
ont pu avec ce qu’ils avaient. Dans leur diversité, ils avaient un grand choix
de songes. L’un était rouge et l’autre bleu. Les uns croyaient au ciel et d’autres
n’y croyaient pas. Mais tous se préparaient au combat commun contre l’occupant déterrant
les quelques fusils que recèlent toujours les entrailles de la terre en
attendant ceux qui arriveront par la mer et par le ciel.
Oui, les résistants ne furent pas tous des héros mais l’héroïsme
était du côté de la Résistance. Ils savaient tous que le prix de leur combat était
que combattant, ils pouvaient succomber et beaucoup succombèrent. En Corse 176
noms sont gravés dans le marbre du monument aux morts du cimetière de Bastia.
En ce jour d’hommage national, nous voulons faire vivre ce
peuple des grandes ombres mortes mais qui sont plus vivantes que certains
vivants. Le reflet du grand feu du don de soi qui les animait, brille encore
par ma voix. Car le monde Résistant, dont on n’entend plus désormais que le
souffle, est toujours là malgré l’usure du temps. Et il continue à battre comme
un cœur.
Quand viendra l’heure des combats décisifs pour la libération
du pays et pour l’écrasement du nazisme, le peuple résistant insurgé et l’armée
de la France reconstituée donneront au chef de la Résistance le droit de s’asseoir
à la table des vainqueurs, pour signer, avec les alliés, l’acte de capitulation
de l’Allemagne nazie le 8 mai 1945. Après l’insurrection ce fut la libération.
Mais les résistants ne vivent pas la libération au même rythme que la
population. Les Français fêtent joyeusement leur délivrance, parfois de façon
inadaptée. Les Résistants pleurent leurs disparus mais ils gardent la
conscience des valeurs qui les lient et pour lesquelles ils se sont battus.
Avec la création du Conseil National de la Résistance le 27
mai 1943, j’insiste sur cette date capitale, les résistants, en pleine
occupation, en pleine lutte du peuple de France contre ses oppresseurs, au
milieu des combats, face à la répression, ont élaboré un programme pour la
reconstitution de la France en ruine. Dans une France humiliée et trahie, ils
savaient que nous ne faisons pas partie de la nation seulement en mémoire mais
nous en faisons partie aussi en espérance.
René Char nous l’a appris, « Résistance c’est aussi
espérance ».
Alors, quand nous honorons les Résistants nous devons nous
poser la question de ce qui reste à venir.
Aujourd’hui, je porte leur message et je veux conjuguer le
verbe résister au présent. Ce message, ils me l’ont
transmis par le souvenir et par la voix.
Je vous le passe femmes et hommes de demain, avec la
génération des amis, reprenez le flambeau que les résistants nous ont transmis
avec confiance mais aussi une certaine angoisse femmes et hommes de demain,
gardez le feu, soufflez sur les charbons, trouvez la force d’arracher ce cancer
toujours renaissant et qu’elle soit le chant qui annonce l’aube et qui garde
sur ses lèvres, comme l’écrivait Baudelaire, le goût infini de la République.
Et que le 27 mai flotte désormais dans le vent des mémoires.
Vive la
Résistance
Vive la
Corse - 1er département
libéré
Vive la France
Sixte Ugolini – Président de l’ANACR 2B